Emballages : sur un air de plastique « bashing » !
Interviewés par la Lettre des Achats n° 289, Ghislain Réquillart (associé de HSE Optimisation) et d’autres experts du secteur nous livrent leur état d’esprit.
« Le plastique n’a pas la côte. Diminuer cette matière devient une obligation pour les entreprises. Qu’elle soit réglementaire, légale, économique ou qu’elle relève de la RSE, l’obligation de diminuer cette matière honnie oblige les acheteurs à imaginer des alternatives répercutées sur leurs fournisseurs, producteurs d’emballage. Qui, de leur côté, y consacrent leur R&D et leurs innovations tout en déplorant le « plastic bashing ».
Une pratique achats d'emballages qui évolue
Selon Annette Freidinger, experte en emballages et maître de conférences associée chez Ensaia :
« Il faut être réalistes : en l’état, on ne peut pas se passer des emballages. »
Romain Perminjat, responsable achats packaging Europe chez Owen Illinois (emballage verrier), fait état de la pression des marques de produits de grande consommation :
« Nestlé et Heineken nous ont explicitement demandé de réduire notre consommation de plastique ; nous avons donc demandé à nos fournisseurs ce qu’ils pouvaient faire. »
Ici on parle de réduire l’épaisseur de films plastiques, et chaque micron de gagné donne des résultats significatifs au vu de la taille des contrats. L’économie générée peut par ailleurs être partagée avec le client ou directement réinvestie en R&D, pour garder une longueur d’avance sur son marché. Un exemple type de réduction à la source du déchet.
La conversion des industriels est donc largement tirée non pas vraiment par une réduction des coûts, ni même par une législation plus contraignante (les objectifs restants lointains), mais bien plus nettement par leurs clients – eux-mêmes tirés par le consommateur final.
Le rôle des acheteurs, avec la déclinaison dans leurs objectifs RSE de réduire l’empreinte carbone de l’entreprise, y est central avec l’intégration de ces nouveaux critères à leur cahiers des charges. Critères qui deviennent vite discriminants, notamment pour les entreprises les plus exposées médiatiquement.
Autre exemple, au sein de l’entreprise Fleury Michon, l’innovation est au cœur du travail des emballages. En effet, Vincent Chauvet, responsable des achats d’emballage, évoque le bois comme alternative aux plastiques. Cette solution a permis à l’entreprise vendéenne de réduire de 80 % le poids du plastique sur la gamme concernée.
Une dépendance toujours forte aux aléas
pour la gestion du déchet
Cependant, si la source compte pour les acheteurs d’emballage, pour boucler la boucle, l’autre bout de la chaîne compte tout autant : le recyclage et le traitement des déchets.
Depuis la fermeture du marché chinois aux déchets recyclables (principalement cartons/plastiques), les prix de ces matières, auparavant rachetées très cher aux industriels, se sont effondrés explique Ghislain Réquillart, associé chez HSE Optimisation.
Au-delà du « manque à gagner » pour ce producteurs de déchets à forte valeur, la dépendance à des filières au bout du monde inquiète : comment faire tourner une usine si les déchets ne peuvent plus être collectés ? Ou si ces matières doivent être incinérées faute de filières alternatives, plaçant l’entreprise hors la loi ?
Les industriels se tournent donc de plus en plus vers des solutions plus vertueuses, avec notamment la réutilisation sur site de leurs propres déchets dans leur chaîne de production.
Enfin, Ghislain Requillart alerte sur les évolutions du marché des déchets à moyen terme :
« Le coût de traitement du déchet ultime devrait doubler d’ici 5 ans. La situation est complexe : d’un côté les producteurs sont tenus de séparer les déchets valorisables, et de l’autre, le marché de la valorisation sature, du fait de la fermeture du marché chinois et du manque de filières locales. »
Alors que faire ?
« Il faut revoir l’ensemble de la chaîne de valeur qui va créer du déchet ultime. D’abord en travaillant sur les choix d’achat pour limiter l’arrivée de déchets ultimes, puis sur le process interne pour permettre une séparation fluide et un conditionnement pratique des matières valorisables. Il restera ensuite à trouver le prestataire ou la filière de valorisation qui disposera des solutions techniques et logistiques appropriées à chaque site. »
Un sacré défi dans la mesure où le déchet reste une contrainte pour beaucoup d’entreprises qui ne disposent souvent que d’une benne ou d’un compacteur pour stocker l’ensemble de leurs déchets.
Nous ne dirons pas autrement, notre expérience du terrain reflète bien cet état de fait malgré une prise de conscience plus marquée ces dernières année. Cependant la métamorphose ne pourra s’opérer qu'à partir du moment où l’entreprise choisit de regarder le déchet en face :
le déchet n’est pas le résidu d’une main invisible, mais bien la conséquence d’une non qualité à un moment du process de création de valeur de l’entreprise.
L'entreprise fait la chasse aux gaspillages en tous genres ; qu'elle s'attelle enfin à ses déchets !
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